Hervé Loyez    Hervé Loyez    Hervé Loyez    Hervé Loyez    Hervé Loyez    Hervé Loyez


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"SONNY BOY", Al Pacino : Mémoires de Al Pacino, formidable, d’abord humainement, et du point de vue de son art de comédien

"UN RENONCEMENT", René de Ceccatty : livre sur les dernières cinquante annnées de la vie de celle qui reste à jamais le visage du cinéma : Greta Garbo, après qu'elle se soit retirée des écrans à 36 ans



Hervé et Mark :

Extrait de « QUAND NOUS SERONS À MUKALLÂ », de Hervé Loyez :

Hervé Loyez « J'ai commencé d'éprouver le besoin d'écrire ce livre, à notre départ, en relisant dans l'avion certaines de mes lettres à Vincent. Je lui avais écrit : "Peut-être même qu'un jour la mort ne nous fera plus peur". C'était à la fois pour le rassurer puisqu'il était malade, et parce que je croyais dur comme fer en ces paroles- instinctivement, sans les comprendre.
Ce roman est l'histoire de cette phrase dans ma vie. Celui de ma rencontre avec Jérôme. Celui de ma rencontre avec Vincent depuis la mort de Vincent. Dans cet amour, construit par le hasard et par nous-mêmes, et que je veux indivisible, j'ai rejeté et cultivé la confusion au service d'une logique qui m'est propre…

Mais depuis quelques heures ces convictions ne l'habitaient plus, il ressentait comme une angoisse. Et si son exigence était inconcevable ? D'autres hommes, d'autres femmes s'y étaient essayés sans doute et avaient échoué. Déjà le visage de Vincent n'était plus aussi net. Comme si le feu n'avait pas uniquement détruit ses os, sa chair, et qu'il avait commencé d'effacer jusqu'aux traces que Vincent laisserait dans les mémoires. Il regarda la photo, elle lui était d'un grand secours. En observant le fac-similé, il imaginait son sourire, il entendait sa voix, leurs conversations d'il y a si peu de temps surgissaient du néant. Il recréait Vincent à l'aide d'un bout de papier ; Vincent à peine enseveli qui lui échappait déjà. Et dans trente ans ? Il eut un vertige. S'il oubliait Vincent tout juste un peu, à la manière des autres, en continuant de penser à lui souvent ? Que restait-il alors ?…

Julien entra dans un confessionnal : "J'ai perdu l'être que j'aime le plus au monde. Une seule et unique fois. Je lui parle, je l'entends, je le vois et pourtant… Vincent n'est pas Dieu ; si vous l'aviez connu ! Comme il était faible ! Il me décevait parfois, il était tout pour moi. De temps en temps il voulait s'échapper, respirer, prendre l'air comme il disait. Il rêvait à l'Arabie heureuse et aux montagnes de l'Hadramaout, Mukallâ. Il avait lu ces noms un jour dans un livre et ils lui semblaient beaux. Il croyait aux rencontres de passage. Le grand amour, quelle naïveté ! Son seul amour ce fut moi. Vincent n'est pas Dieu mais Vincent est partout. Il est à chaque minute. C'est une mort abstraite. Et cependant comme elle m'est douloureuse ! Vous autres prêtres je n'ai rien contre vous ; vous ne pouvez rien pour moi. Pourquoi suis-je ici ? Non ! ne dites rien. J'ai trente ans, je veux encore aimer. Je veux aimer Vincent. D'autres corps que le sien…, le sexe n'était pas notre fort. Quelqu'un est entré dans ma vie. Est-ce Vous qui l'avez envoyé ? Comme dirait l'autre, est-il de Dieu ou bien du Diable ? Entre nous le Diable n'existe pas ; c'est l'existence en tant que telle, insidieuse, celle de tout le monde. Elle vous poursuit, elle vous rattrape, en un instant elle vous transforme un homme en l'ombre de lui-même. Celui-là est foutu, il ne se ressemblera plus jamais. Et je suis le premier sur la liste. On verra. Adieu mon père, vous m'avez fait du bien".

Mais il ne fallait pas mourir ! Son propre renoncement eût signifié la disparition totale et définitive de Vincent. Julien le savait depuis qu'ils s'étaient rencontrés : ils étaient plus que des frères, une seule et même entité séparée par la naissance, que les hasards avaient comme deux hémisphères rapprochée pour toujours. C'était là ce que Vincent s'était refusé à entendre et qu'il avait dans les derniers jours accepté, avec une joie religieuse, reçu comme une sublime révélation. Vincent s'était davantage abandonné aux bras de Julien qu'à ceux de la camarde. Cette vérité que personne ne pouvait falsifier, Julien en serait à jamais le dépositaire ; et qu'avec une justesse d'attitude et une sensibilité dont il fallait renoncer à expliquer la cause, Jérôme se fût introduit dans cette relation, en eût compris le langage et les règles, voilà qui sans le justifier venait couronner cet amour, le revêtir d'universalité. © »

Hervé Loyez, 1958-1993, écrivain, auteur de "Le voyage à Alba", "Les enfants de la folie" (extrait paru dans le nº8 de la revue "Les hommes sans épaules"), "Les petits enfers de David Lorentz", "Quand nous serons à Mukallâ", et "L'Outarde" (paru dans la revue "Le serpent à plumes", nº26)


Extrait du « journal » de Mark Anguenot Franchequin :

Mark Anguenot Franchequin « Qu'est-ce que c'est "mourir dans la dignité", "proprement", quand tu n'as pas d'autre alternative, d'autre choix ? Soleil-Levant, qui est en train vraiment, je crois, de vivre ses derniers jours- je dis bien : de vivre ses derniers jours, et non pas de mourir- me disait, il y a quelque temps : "ne viens plus me voir, car j'ai des couches, et cela m'humilie". Je lui ai répondu : "Soleil-Levant, ne t'inquiète pas, si tu chies dans ton froc, ça ne m'empêchera pas de t'aimer, et de t'aider, jusqu'au bout".
J'ai peur qu'on cesse d'aimer les gens parce qu'ils chient dans leur froc, parce qu'ils rotent, parce qu'ils pètent, à cause des médicaments qu'on leur donne. Parce qu'on veut des malades propres, des morts propres, qui ne dérangent pas, et qui n'embêtent pas les bien-portants et les vivants.
J'ai peur que les malades aient envie de mourir parce qu'ils sentent qu'ils pèsent, qu'ils sont une charge, qu'ils se dégradent physiquement, et non pas parce qu'ils ont le choix...
J'ai été un homosexuel plutôt discret, même invisible parfois, pensant que c'est comme ça qu'on m'aimerait et qu'on m'accepterait, et j'ai eu tort, et je le regrette.
J'ai été un séropositif bavard, mais pas assez à mon goût, aussi je ne serai pas un malade discret et propre. Et j'emmerderai les bien-portants jusqu'au bout. Je ne me laisserai pas mourir silencieusement.
Je crois que lorsque Daniel Defert a écrit que le malade était un réformateur social, il a écrit la chose la plus intelligente et la plus puissante, peut-être, qu'il n'écrira jamais plus. C'est un malade qui te le dit. Certes, je tiens debout, je peux encore travailler, conduire ma moto... mais mon corps me parle, et je sens bien qu'il est malade, et que, petit à petit, je quitte le monde des bien-portants qui pensent que nous voulons mourir proprement et qui veulent nous y aider...
Je ne veux pas de ces soignants qui me font peur et qui, sous couvert soi-disant d'humanisme et de dignité, assassinent indirectement les malades, avec en prime la certitude d'avoir bien fait...
Qu'est-ce que c'est que cette humanité qui enferme tout ce qui la dérange, qui se débarrasse de tout ce qui lui fait peur ?
Nous sommes vraiment à l'âge de pierre des sentiments ! © »

(Mark avait demandé que soit publié dans Libération le communiqué suivant : « Mark Anguenot-Franchequin, né le 8 juin 1958 à Besançon, est décédé du sida après une longue lutte contre la maladie. Il nous a quittés sans honte et sans regret pour rejoindre la terre de ses racines.
La vie est injuste et dégueulasse. C'est un long voyage au bout de la nuit. J'ai beaucoup souffert, mais j'ai aussi connu le bonheur, l'amitié et l'amour.
L'existence est difficile mais on peut vivre quand même et on doit le faire, coûte que coûte. L'aventure en vaut le coup - Mark »)

Mark Anguenot Franchequin, 1958-1994, pionnier de la lutte contre le sida en France, il a notamment été à l'origine de Sida Info Service ; son journal est le témoin de son amour révolté de la vie




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de et avec Paola Cortellesi


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